Maniema : Quand la Déforestation Menace l’Hôpital des Pygmées

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La forêt congolaise, « hôpital » des peuples Pygmées/Bambuti, disparaît à un rythme alarmant, mettant en péril non seulement la biodiversité, mais aussi la santé et la culture d’une civilisation ancestrale. Un projet intégré se lance pour rompre cette spirale de destruction au Maniema.

Au cœur de la République Démocratique du Congo (RDC), dans la province du Maniema (Chefferie des Bangengele et Secteur des Balanga), se joue une crise silencieuse, mais dévastatrice. Pour les communautés autochtones Pygmées/Bambuti, la forêt n’est pas un simple environnement ; elle est l’unique pharmacie et l’unique hôpital.

Leur survie, leur culture et, de manière critique, leur accès aux soins de santé de base dépendent intégralement de la générosité des essences végétales. Or, ce lien vital est aujourd’hui brisé par une triple crise : Forêt, Santé et Culture

L’urgence est d’abord environnementale. La RDC est confrontée à une déforestation massive, avec des rapports d’experts signalant que près de la moitié des forêts au Maniema a pu disparaître en seulement vingt ans. Cette exploitation non durable, accélérée par rapport aux décennies précédentes, a des conséquences immédiates :

  • Perte de Biodiversité Vitale : Des espèces végétales médicinales essentielles sont en voie de raréfaction, voire de disparition. Des arbres comme le Moabi (Baillonella toxisperma) et l’Ekop (Brachystegia mildbraedii), irremplaçables pour la pharmacopée Pygmée, sont abattus, mettant à mal l’équilibre écosystémique.

Cette destruction a un impact direct et brutal sur la santé communautaire. En l’absence de centres de santé modernes, les communautés s’appuient sur leurs tradipraticiens . La rareté des plantes les oblige désormais à parcourir des distances toujours plus longues pour trouver des remèdes, rendant les soins plus lents, plus difficiles et moins accessibles, notamment face aux maladies courantes et aux risques sanitaires émergents.

Enfin, la crise est profondément culturelle. Le savoir des guérisseurs se transmet oralement et est conditionné par la disponibilité de la ressource. La destruction des « hôpitaux forestiers » met en péril ce patrimoine immatériel d’une valeur inestimable – on parle de plus de 500 espèces de plantes médicinales recensées – et compromet sa transmission intergénérationnelle. De plus, la déforestation est souvent liée à l’ignorance des droits fonciers coutumiers, laissant les territoires de cueillette sans protection légale.

Bâtir la Résilience par la Conservation

Face à cette spirale de destruction, l’urgence est de reconnecter la conservation de la biodiversité à la santé humaine et au respect culturel.

Nous devons nous fixer comme objectif  qui doit etre celui de sécuriser durablement l’accès des communautés Pygmées/Bambuti du Maniema à leur pharmacopée traditionnelle en documentant et valorisant leurs savoirs ancestraux, et en assurant la régénération des essences végétales critiques pour une gestion forestière inclusive et résiliente et ce, autour de trois piliers d’action :

  1. Régénération Végétale : Lancement de pépinières communautaires et de campagnes de reboisement ciblant les essences médicinales critiques, afin de restaurer physiquement l’«hôpital» forestier.
  2. Valorisation des Savoirs : Travail avec les « tradipraticiens » pour documenter la pharmacopée menacée et organiser des ateliers de transmission pour assurer la pérennité du patrimoine culturel.
  3. Plaidoyer et Alternatives : Influencer les politiques forestières provinciales pour que les « arbres sanitaires critiques » soient protégés légalement, tout en développant des alternatives économiques durables basées sur la valorisation non destructive des produits forestiers non ligneux (PFNL).

En transformant les essences médicinales en un levier de conservation et de développement économique local, ce projet vise à garantir l’autonomie sanitaire et le respect culturel des peuples autochtones, tout en défendant le rôle crucial de la forêt du Maniema comme régulateur climatique et réservoir de biodiversité.

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